En Europe, les grandes mines d’or sont localisées dans l’Égypte du sud et la Nubie (nub signifie « or » dans l’ancienne langue égyptienne), dans la région anatolienne occidentale, dans les montagnes de la Géorgie (la mine de Sakdrissi, d’où le mythe de Jason qui se lance à la recherche de la toison d’or) et sur l’île de Chypre. On ramasse également de l’or alluvial dans la rivière Pactole, en Lydie turque (d’où la richesse du roi Crésus). Une grande quantité de cet or transite par l’important marché de Troie (c’est là une des raisons de la guerre…).
Après la chute de Troie, c’est au tour de la Crète de devenir la plaque tournante du métal jaune pour toute la Méditerranée et pour l’Europe du Nord. Philippe de Macédoine, le père d’Alexandre, développe les mines de Pangée, et l’or se dirige, encore une fois, vers le marché de la Crète. Les Romains exploitent les grandes mines espagnoles de Las Medulas et l’or est envoyé à Rome par les ports espagnols. Dès que la production espagnole baisse, Trajan lance ses légions contre la Dacia, où l’or extrait des mines de Rosia Montana est expédié par la mer Noire et les détroits du Bosphore-Dardanelles vers la via sacra du Forum romain (le grand marché financier de la ville, l’équivalent de Wall Street et de la City de nos jours).
Au Moyen Âge, l’or est principalement ramassé dans les rivières de la côte de l’Afrique équatoriale de l’ouest. Le métal fait escale à Tombouctou, et les caravanes le transportent vers Awdaghost et Kairouan où il est embarqué vers Palerme. D’autres régions d’Afrique font transiter leur or par Nul Lamta avant de l’envoyer en Espagne (au port d’Almeria). Souvent, tout cet or débarque ensuite à Venise où, deux fois par jour, les marchands de Rialto en fixent le prix. L’opération est déclenchée par une cloche qui sonne et ouvre les négociations.
Après la découverte des Indes Occidentales, les Amériques fournissent également l’Europe en or, aux xvie et xviie siècles. Les convois formés par les galions espagnols se concentrent à Cuba et appareillent pour Séville avant le début de la saison des tempêtes tropicales, souvent apocalyptiques et meurtrières. Ils sont composés de longues flottes commerciales, escortées par les galions de l’Armada qui les protègent contre les corsaires et les pirates anglais, hollandais et français.
Progressivement, avec les découvertes des mines en Russie, en Californie, en Afrique du Sud, au Brésil et en Australie, tout cet or est envoyé vers la place de Londres (une partie est dirigé sur Zurich) par bateau puis… par avion. Le fait de disposer immédiatement de la contrevaleur du métal couvre en effet largement les coûts du transport et de l’assurance.
Alessandro GIRAUDO Nouvelles Histoires Extraordinaires des Matières Premières, Paris, Bourin, 2017
